Notre territoire nous offre des plantes indigènes d’une grande beauté qui jouent un rôle crucial au sein de nos écosystèmes, mais malheureusement, l’étalement urbain, les pratiques d’aménagement et les pratiques forestières continuent de menacer et de morceler leur habitat.
Le rapport publié au printemps 2018 par la commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada soulignait d’ailleurs « le “déclin important” d’écosystèmes cruciaux, dont un recul majeur des milieux humides, des prairies naturelles (qui ne sont plus qu’“une fraction” de ce qu’elles étaient à l’origine) et des forêts de feuillus. Dans certaines régions, plus de 90 % de ces zones boisées ont été transformées par l’activité humaine.1 »
Pourtant, quand vient le temps de planifier leurs aménagements paysagers, trop de jardiniers (et de centres jardins!) se tournent encore vers des espèces importées, souvent annuelles.
Les plantes indigènes sont celles qui poussent naturellement dans une région où elles ont évolué. En plus d’être beaucoup mieux adaptées à notre climat, elles sont la pierre angulaire de nos écosystèmes et servent aussi d’abri, de nourriture et de lieu de reproduction pour la faune locale, participant ainsi au maintien de la biodiversité.
Certains animaux et insectes ont d’ailleurs développé des liens étroits avec les plantes de leur milieu et dépendent parfois même de plantes très spécifiques pour leur survie. On peut penser à la relation étroite et essentielle entre l’asclépiade et le papillon monarque, mais cette dynamique d’interdépendance issue d’un long processus de coévolution s’applique aussi plus largement au sein de la faune locale.
Dans son livre « Native plants for the small yard », Kate Brandes cite le Dr Doug Tallamay, un professeur d’entomologie et d’écologie de la faune qui a étudié abondamment le rôle des plantes indigènes.
« Ses découvertes montrent que les plantes indigènes soutiennent les insectes locaux qui servent également de base à notre chaîne alimentaire. Les plantes non indigènes ne font pas partie de cette chaîne alimentaire. Par exemple, le Dr Tallamy a déterminé que la plupart des espèces de chenilles indigènes dépendent des plantes indigènes. Conformément à l’idée d’une chaîne alimentaire, de nombreux oiseaux dépendent alors de ces chenilles. En fait, le Dr Tallamy et ses étudiants ont enregistré le nombre de chenilles nécessaires pour nourrir une couvée de nouveau-nés de mésanges. Un nid d’oisillons nécessite 350 à 570 chenilles par jour, selon le nombre de bébés. Ainsi, un nombre incroyable de 6 000 à 9 000 chenilles sont nécessaires pour élever une couvée de mésanges jusqu’à l’âge adulte. Presque tous les oisillons ont besoin d’insectes comme les chenilles pour se développer, même les oiseaux qui deviennent des granivores une fois adultes. Comme l’explique le Dr Tallamy, ce que nous plantons dans nos paysages détermine ce qui peut y vivre. »
Cette relation est d’autant plus importante si l’on considère que la plupart des chenilles sont dépendantes d’espèces indigènes spécifiques pour leur alimentation. Par exemple, un chêne peut être l’hôte d’environ 500 espèces de chenilles différentes, les asters plus d’une centaine, l’eupatoire maculée 35, tandis qu’un ginko, espèce asiatique encore très populaire, ne peut nourrir que 5 espèces sous nos latitudes.
Le même type de dynamique existe chez les pollinisateurs. Par exemple, les abeilles ont 4 fois plus de chances de prendre leur nectar dans une plante indigène que dans une plante introduite, et 20 % d’entre elles ne dépendent que de 2 ou 3 espèces de plantes indigènes. Dans l’ensemble, ce sont 90 % des espèces d’insectes qui sont des « spécialistes » et dépendent ainsi d’espèces de plantes indigènes spécifiques qui sont leur seule source de nourriture2.
Certaines plantes seront aussi de bons alliés au jardin pour éloigner les insectes nuisibles (voir par exemple l’achillée millefeuille), pour attirer leurs prédateurs (carotte sauvage), pour fixer l’azote (mélilot) ou attirer les pollinisateurs (héliopsis faux-hélianthe).
Qui plus est, les plantes indigènes sont beaucoup moins susceptibles aux maladies et parasites que les plantes importées ou introduites, et sauront mieux résister à des périodes de sécheresse. Ces avantages permettent ainsi de réduire les besoins en pesticides, en fongicides et en eau.
En intégrant plus de plantes sauvages et indigènes à vos aménagements, vous profiterez non seulement de leur beauté, mais aussi des services écologiques qu’elles procurent, tout en contribuant à la biodiversité et à la résilience de vos milieux de vie.
Pour ajouter des plantes indigènes à vos aménagements et potagers, vous pourriez être tentés d’aller prélever des plants en nature et les transplanter chez vous. Il faut toutefois tenir en compte que la cueillette dans la nature peut entraîner la détérioration de notre végétation indigène, en plus d’endommager l’habitat dans lequel les plantes prélevées se trouvent.
On le constate déjà avec certaines plantes sauvages comestibles ou ornementales très populaires dont les populations ont été décimées et qui se retrouvent maintenant en situation très précaire, comme l’ail des bois, le gingembre sauvage ou l’adiante du Canada. La meilleure option est donc de propager les semences de plantes indigènes.
Pour plus d’information et de conseil sur le jardinage pour la biodiversité, consulter cet article du carnet horticole d’Espace pour la vie.
1. [Déclin de la biodiversité: le Canada et le Québec ne sont pas épargnés, Le Devoir, 11 mai 2019 ]↩
2. [The Beauty of Native Plants | Drew Lathin | TEDxLivoniaCCLibrary]↩