
Un nativar d'Ancolie du Canada (Aquilegia canadensis) avec des fleurs doubles.
Comprendre les enjeux des nativars : un compromis entre esthétique et écologie
Les nativars, souvent présentés comme un équilibre entre plantes indigènes et horticulture moderne, soulèvent des questions importantes sur leurs répercussions écologiques. Ces cultivars dérivés de plantes indigènes sont sélectionnés pour leurs traits spécifiques, comme une couleur unique ou une taille compacte. Mais quelles sont leurs répercussions sur les écosystèmes locaux et la biodiversité ?
Avant d'aborder la question des nativars, il est important de clarifier certains termes clés :
Plante sauvage : Une plante qui pousse naturellement dans un environnement donné sans intervention humaine, adaptées aux conditions locales et souvent essentielles à la biodiversité.
Plante indigène : Une plante qui pousse naturellement dans une région géographique précise sans intervention humaine. Évoluant pendant des milliers d'années, elle s'est adaptée au climat, à la faune et aux sols locaux, contribuant ainsi à l'équilibre et à la santé des écosystèmes.
Cultivar : Une variété cultivée de plante, sélectionnée et propagée pour des caractéristiques spécifiques telles que la couleur, la taille ou la résistance aux maladies.
Nativar : Un cultivar dérivé d'une plante indigène, modifié pour répondre à des préférences esthétiques ou horticoles.
Qu’est-ce qu’un nativar ?
Les nativars sont des variétés cultivées de plantes indigènes, souvent modifiées pour répondre aux préférences esthétiques des jardiniers. Ces modifications peuvent inclure des couleurs de fleurs plus vives, des feuillages panachés ou des formes de croissance particulières. Ces changements n’ont pas toujours d’impact sur les interactions écologiques. Par exemple, les nativars comme l’orme d’Amérique ‘Princeton’, résistant à la maladie hollandaise de l’orme, conservent leurs fonctions écologiques d’origine.
Cependant, d’autres modifications, comme un changement de couleur des feuilles, peuvent avoir des conséquences inattendues. Des études montrent que ces altérations peuvent réduire la capacité des plantes à soutenir les insectes indigènes, en particulier les herbivores spécialistes. Ainsi, comme le souligne l'entomologiste reconnu Douglas Tallamy, chaque cas doit être évalué individuellement.
Douglas Tallamy, fondateur de Homegrown National Park®, remet en question l’idée que les nativars soient une porte d’entrée idéale vers les plantes indigènes pour les jardiniers. Il souligne deux limites principales : leur multiplication par bouturage ou par division (propagation clonale), qui élimine toute variabilité génétique essentielle à l’adaptation face aux changements climatiques, et leur sélection axée sur l’esthétique, qui perpétue l’idée que les plantes ne sont que décoratives. Il préconise que les espèces indigènes « pures » soient également vendues aux côtés des nativars, afin de donner la possibilité aux gens qui souhaitent favoriser la restauration écologique et maximiser leurs bénéfices environnementaux de les acheter.
L’impact des nativars sur la biodiversité
Un des principaux débats concernant les nativars est leur capacité à soutenir la faune locale. Alors que certains nativars conservent leur valeur écologique, d’autres peuvent présenter des traits qui limitent leur utilité pour les pollinisateurs et les autres espèces. Par exemple, des nativars à fleurs doubles peuvent empêcher l’accès au nectar et au pollen, privant ainsi les pollinisateurs d’une source essentielle de nourriture.
De plus, les nativars sont souvent propagés de manière végétative, comme par bouturage ou par division, afin de préserver les caractéristiques spécifiques pour lesquelles ils ont été sélectionnés. Cependant, cette méthode élimine la variabilité génétique qui caractérise les plantes indigènes sauvages. Cela peut avoir des répercussions sur leur capacité d’adaptation aux conditions changeantes de l’environnement, notamment aux maladies ou aux ravageurs, compromettant ainsi leur rôle écologique.
Diversité génétique et résilience écologique
La diversité génétique joue un rôle fondamental dans la résilience des écosystèmes. En effet, elle permet aux espèces végétales de s’adapter aux perturbations environnementales telles que les changements climatiques ou la perte d’habitat. Lorsque cette diversité est compromise, l’adaptabilité et la stabilité des écosystèmes en souffrent.
Les efforts de conservation doivent inclure la préservation des traits génétiques variés pour maintenir les fonctions écologiques et soutenir la biodiversité. Les plantes indigènes propagées à partir de variétés locales (aussi appelées génotypes) peuvent préserver les relations coévoluées entre les plantes et les espèces locales.
Esthétique versus écologie : un compromis nécessaire ?
Les nativars sont souvent conçus pour répondre aux attentes des jardiniers, mais ces modifications peuvent avoir un coût écologique. Certains traits, comme la stérilité des fleurs, peuvent éliminer des fonctions essentielles telles que la production de graines. Cela peut réduire les ressources disponibles pour la faune qui dépend de ces plantes pour se nourrir ou se reproduire.
Prioriser les plantes indigènes : un choix réfléchi
Tous les nativars ne sont pas égaux. Bien que ces variétés peuvent populariser l’utilisation des plantes indigènes dans les jardins et les aménagements paysagers, encourageant ainsi une plus grande sensibilisation à la biodiversité locale, il est crucial de réfléchir aux répercussions d’un nativar avant de faire un choix. Souvent sélectionnés pour leur attrait esthétique, ces cultivars peuvent ne pas répondre aux besoins écologiques essentiels, comme le soutien de la faune indigène ou la préservation de la diversité génétique. S’informer et prioriser des plantes indigènes adaptées reste une démarche essentielle pour contribuer activement à la préservation des écosystèmes.
Les nativars peuvent sembler être une solution intéressante pour introduire des plantes indigènes dans nos jardins, mais il est crucial de ne pas négliger l’importance des véritables espèces indigènes. Ces dernières sont parfaitement adaptées à leur environnement et jouent un rôle irremplaçable dans le soutien des écosystèmes locaux et de la biodiversité. En priorisant les plantes indigènes plutôt que les cultivars ou les nativars, nous faisons un choix qui contribue directement à la résilience écologique et au bien-être de notre planète. Ainsi, chaque jardin peut devenir un refuge pour la faune et un modèle d’harmonie avec la nature.
Vanesse de Virginie (Vanessa Virginiensis) sur un plant de pycnanthème à feuilles étoites (Pycnanthemum tenuifolium).
Sources
A way to Garden with Margaret Roach. (s.d.). How effective are nativars? with Doug Tallamy. Repéré le 17 janvier 2025 à l’adresse https://awaytogarden.com/nativars-with-doug-tallamy/
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Grow Native! (s.d.). Natives, cultivars, and "nativars." Repéré le 17 janvier 2025 à l’adresse https://grownative.org/learn/natives-cultivars-and-nativars/
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Laidback Gardener. Hodgson, Larry. (2017, 20 avril). Double flowers: Bad news for pollinators. Repéré le 17 janvier 2025 à l’adresse https://laidbackgardener.blog/2017/04/20/double-flowers-bad-news-for-pollinators/
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